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Dominique Paulin

Née dans une famille d'artistes, Dominique Paulin exerce le métier de peintre en parallèle de sa carrière de médecin. Ce n'est qu'en 2008 qu'elle dévoile au public les œuvres qu'elle peint depuis toujours. Haute en matières et admirable coloriste, elle joue les alchimistes mêlant huile, pastel et encre à des matériaux inattendus (brou de noix, cendres, micas,...). La matière travaillée donne corps à un monde en création, où le geste et la lumière structurent la toile. Elle parvient à capter l’infime, l’apprivoiser et finalement le révéler. La question que vient nous poser Dominique Paulin est celle du devenir de l’homme et de son espace : notre planète. Catastrophes naturelles, incertitudes, angoisse de l’inconnu, nourrissent son oeuvre qui appréhende l’art comme un moyen d’anticipation, d’exploration des issues possibles. Elle peint la série "Tsunami" quelques mois avant le tsunami qui a secoué le Japon en 2011, comme une prémonition, et dont "Tsunami et centrales" résonne puissamment.

"Dominique Paulin, un chant du monde" par Christina Burrus commissaire de l'exposition "Spacialités", Espace Cardin, Paris Deux lieux, deux fonctions, deux yeux. Un modeste appartement-atelier où foisonne un vivant chaos, un très clean et rigoureux cabinet de consultation : Dominique Paulin, peintre et médecin, diagnostique l'homme et le monde. Avec les mêmes doutes, les mêmes intuitions fulgurantes, les mêmes certitudes parfois : la même "inspiration". Un sens inné du mystère, ue obstination de chercheuse qui veut "guérir", une infinie compassion. L'art de soigner et l'art de peindre, serait-ce la même chose? Fulgurance du trait, richesse de la matière, poétique du vide : au commencement étaient les éléments, le ciel et la terre, l'eau, l'air et le feu. On ne sait si l'on est dans la Genèse ou dans l'Apocalypse. Le début ou la fin du monde, le début ou la fin d'une vie. On sait seulement qu'on est dans l'essentiel. Une immense bataille se livre devant nous, c'est la nôtre : la bataille du vivant.

Toute petite devant sa toile, gracile, virevoltante, cheveux au vent, Dominique Paulin a le feu et la grâce. Si secrète, si discrète pourtant qu'il faut souvent tendre l'oreille pour saisir les propos de cette voix très douce et très basse. "L'écoute, dit-elle, et le soin de l'autre et l'expression de mon monde intérieur sont indissociables." Elle est médecin avec une thèse en biophysique nucléaire, elle soigne selon les préceptes de Hahnemann, ce praticien qui au 19ème siècle a nommé les maladies d'après les récits de ses patients, l'exposé de leurs symptomes, elle est très attentive à la psyché de l'être, elle est un médecin qui régule. Quand on lui demande "Pourquoi des études scientifiques ?", la fille du célèbre designer Pierre Paulin et la petite nièce du styliste automobile Georges Paulin, seul médecin dans la famille d'artistes, raconte qu'à seize ans elle a montré un dessin à son père et lui a demandé : - Qu'est-ce que je fais? Architecte ou médecin? - Tu fais médecine. Elle a fait médecine. Et elle n'a jamais cessé de dessiner. Et puis un jour, "Je me suis décidée à montrer, je n'avais plus assez de place pour stocker". Elle est un peintre qui régule. Elle est un peintre-médecin devant le grand organisme du monde comme devant le corps de Gulliver et elle nous ouvre ce corps, ses plaies, sa douleur, son sommeil, sa puissance vitale. Elle est un peintre qui alerte. Réagit. Elle a une écriture immédiate, elle peint très vite, elle fait feu de tout bois : cendres, micas, brou de noix, se mêlent aux pigments, à l'huile, l'acrylique ou le pastel. C'est une chercheuse, un inventeur, elle n'a fait aucune école, elle avance mue par son seul instinct, la fulgurance d'une vision née de l'urgence, de la colère et de l'éblouissement. Elle peint ce qui menace, ce qui nous menace. Et elle peint ce qui emporte, élève. Elle dit les Feux en Russie, elle dit Fukushima, le Tsunami, Force nucléaire et incertitude, et elle dit le Désir errant dans la brume, le Rêveur en état d'élévation, la Percée de lumière, elle cherche l'Autre terre en ravin d'ombre. Ce qui monte de la terre rejoint ce qui descend du ciel en une brume rêveuse et précise à la fois. Et cette brume est son monde. Son paysage. Profondément mélancolique, profondément silencieux. Tendre, et lumineux derrière ses scènes crépusculaires. Habité d'une espérance intime. De nos cendres un plus grand amour s'élèvera. Angoisse et espérance marchent au bord du même vide. Et ce vide n'est pas vide. Il est devenir. Il est attente de la métamorphose. Dominique Paulin a trop observé la vie au microscope pour que son regard sur le monde ne fouille le vivant derrière l'inerte, un futur derrière la désolation. Elle cherche la limite, elle cherche la limite de la fin, elle se tient à la limite du royaume des morts et elle trouve le commencement et, avec lui, l'au-delà. La double hélice de l'ADN d'Origine nous entraine dans son mouvement circulaire, sa réplication à l'infini, et le temps qu'on croyait arrêté redevient souffle, le temps, un instant si terriblement suspendu, reprend sa course, s'étire, laisse passer la lumière. Du, Dunkel aus Licht, dit le poète*

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